Patrick Martin sur RMC-BFM TV - Budget : il faut ramener de la raison
Invité du Face à Face RMC-BFM TV, le 4 décembre, Patrick Martin est revenu sur son entretien avec Sébastien Lecornu à propos du budget. Le président du Medef appelle les politiques et les parlementaires à se ressaisir et à reprendre en compte la situation économique et sociale réelle de notre pays.
Sur le budget
« On nous prête des intentions politiques, nous, on ne fait pas de politique, on fait de l'économie, on prend en compte la situation du monde, et un décrochage assez rapide de la France et on parle de petits sujets, courtermistes, politiciens. Il faut ramener de la raison. (…) Le monde autour de nous devient très brutal, y compris sur le plan commercial. Je ne désespère pas que nos parlementaires, dans un éclair de lucidité, opèrent un ressaisissement et qu'on reprenne en compte la situation économique et sociale réelle du pays. On détruit des emplois, la croissance est mollassonne, il y a des faillites qui se multiplient, il faudrait peut-être à un moment donné lever le nez du guidon et se projeter dans l'avenir. (…) On fait confiance à ce gouvernement pour trouver la meilleure voie de passage. Mais notre sujet n'est pas là. On voit les carnets de commandes qui se vident, on voit des emplois supprimés, on voit des investissements qui sont rapportés, ou carrément supprimés et on se désespère que le débat parlementaire ne prenne pas en compte cette situation. »
Sur L’assurance chômage
« L’assurance chômage est déficitaire, 450 000 emplois ne sont pas pourvus, les finances publiques sont dans un état de délabrement avancé… et le gouvernement veut reporter un projet de réforme de l'assurance chômage, réduire les allègements de charges, donc renchérir le coût du travail à hauteur d'un milliard et demi. Objectivement, ces gens-là marchent sur la tête ! Trois mesures sont à l'étude. Revenir sur un projet de réforme de l'assurance chômage, alors même que l'assurance chômage va être déficitaire de 1.6 milliards l'année prochaine. Revenir sur les allègements de charges à hauteur d'un milliard et demi, et revenir sur les aides à l'apprentissage. On est en train de foutre en l'air ce magnifique succès collectif sur l'apprentissage. On envoie des signaux qui sont absolument aberrants. Cela pèsera sur le marché de l'emploi et sur la capacité qu'auront les entreprises à revaloriser les salaires. Et cela envoie un signal terrible, comme la suspension de la réforme des retraites, à savoir, on peut se permettre de ne pas travailler plus dans ce pays. »
Sur la situation politique
« Je crois crois qu'il y a un rapport de force qui s'est instauré, qui est très défavorable non pas au Premier ministre lui-même, mais au pays. On va payer tout cela très cher. Les Allemands vont soutenir leurs entreprises. Ils sont en train, de manière très réactive, de manière très déterminée, de remuscler leur économie, parce qu'eux prennent en compte la situation économique, et notamment cette concurrence très agressive, à certains égards, déloyale de la Chine. »
Sur la concurrence chinoise
« La concurrence chinoise est en bonne part déloyale. Enfin c’est avéré sur l'acier, sur le photovoltaïque, sur certains produits chimiques. Ça l'est dorénavant sur le commerce de détails. Je suis, je crois, le seul en France à avoir rencontré à deux reprises le CEO, le patron mondial de Shein, la fameuse place de marché. Dans l’industrie comme dans le commerce, la Chine c'est un rouleau compresseur, avec des stratégies très prédatrices, exacerbées par le fait que la Chine, ne pouvant plus déverser sa production sur les Etats-Unis, la reporte sur l'Europe et sur la France. On va déstabiliser des pans entiers de notre économie. (…) Il faut prendre des mesures de protection temporaire, le temps de se réarmer, mais il faut que dans le même temps, l'Europe, la France, s'ouvrent de nouveaux marchés. Je pense en particulier à l'Amérique latine. Je suis favorable également à la suspension de Shein, au moins temporaire. Quand j'ai discuté avec monsieur Tang, le patron de Shein, très talentueux, il a fait mine de s'étonner que sur sa place de marché existent des produits strictement illégaux, des produits non conformes à nos réglementations, y compris sur le plan sanitaire, qu'il y a des contournements de nos réglementations fiscales. Donc à un moment donné, il faut rétablir de l'équité. Sans quoi, de la même manière qu'on a détruit en bonne part notre industrie automobile en laissant les Chinois submerger le marché européen, on n'aura plus demain de commerce de centre-ville, l’industrie du jouet, l'industrie textile, l'industrie de la cosmétique, par contre coup, vont elles aussi être affaiblies. »
Sur l’Europe
« De la même manière que l'Allemagne se ressaisit avec beaucoup de détermination, l'Europe est en train de se ressaisir également, en prenant enfin un certain nombre de mesures qui, soit dit en passant, sont toutes écrites dans le rapport Draghi auquel le Medef a beaucoup contribué. Ce n'est pas qu'un rapport mais une stratégie pour redonner un espoir, redonner une ambition, redonner toute sa place à l'Europe et par voie de conséquence à la France. »
Sur la conférence sur emploi, retraite, travail
« Nous n'y serons pas parce que nous considérons que c'est un exercice de style et on ne peut pas d'un côté nous attirer sur un nouveau conclave et d'un autre côté prendre toutes les mesures que je viens d'évoquer qui vont pénaliser la performance économique, donc la performance sociale de la France. Il y a une forme d'urgence, prenons les choses dans l'ordre. Bien sûr qu'il va falloir retravailler le sujet des retraites, bien sûr qu'il faut s'interroger sur la qualité de vie au travail, mais, le vrai sujet de la France en ce moment, c’est de préserver l'emploi et le pouvoir d'achat. »
Sur la cohésion sociale
« Pour l'instant l'entreprise reste un des derniers lieux de cohésion sociale, un des derniers lieux d'inclusion. Donc c'est un bien précieux et as que pour les chefs d'entreprise. Vous avez 80% des salariés qui disent être bien dans leur entreprise et je pense qu'il y a beaucoup de bon sens chez les Français. Donc ne nous laissons pas impressionner par les postures, par les diatribes, par les anathèmes, ce qui nous importe c'est les faits. (…) notre problème, c'est de savoir si on va rentrer des commandes, si on va pouvoir préserver des emplois et si possible en créer, si on va pouvoir tenir tête à la concurrence internationale. Et je le redis, le débat parlementaire en ce moment nous éloigne tellement de ces préoccupations existentielles pour les entreprises et pour le pays que finalement, on prend le parti de ne même plus chercher à suivre l'actualité politicienne au quotidien. Je lance une véritable alerte. La France n'est pas un monde à part. Mais la France politique, actuellement, est un monde à part. A un moment ou à un autre, on va le payer et nous, on veut absolument éviter ça. Il faut un ressaisissement, il faut de la lucidité, il faut du courage ».